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Problème du cancer : théories

Probléme du cancer : théories

 Dans la première moitié du siècle dernier fut découverte la constitution de la cellule, cette unité élémentaire d'où dérive tout être vivant et dont les divisions et différenciations successives édifient les organismes complexes qui existent dans la nature.

 Examinées au microscope, les tumeurs apparurent formées, comme les tissus normaux, d'amas de cellules. Leur image diffère du reste selon qu'elles dérivent de telle ou telle cellule, dont elles répètent les caractères, de façon plus ou moins altérée.

 Mais, tandis que normalement la proportion et les rapports réciproques entre les différentes espèces cellulaires qui constituent un organisme adulte sont définitivement fixés, les cellules atteintes par la maladie cancéreuse cessent d'obéir à ces règles d'harmonieuse interdépendance.

 On note très vite que ces éléments possèdent certaines caractéristiques typiques des cellules embryonnaires qui, au cours du développement de l'individu, se multiplient activement pour former les organes.

Le cancer fut alors attribué soit à une régression accidentelle des cellules adultes vers le type primitif, soit à l'activité revenue d'éléments embryonnaires, restés inclus et latents dans un organe incomplètement développé.

 Vinrent ensuite les découvertes de Pasteur qui démontrèrent, à l'origine de nombreuses maladies dont la cause était inconnue, la contamination par un germe vivant pathogène. Toutefois, il fallut renoncer à attribuer le cancer, comme on avait tenté de le faire au début, à des microbes visibles au microscope optique. Par élimination, les seuls agents vivants qui étaient encore possibles étaient les « inframicrobes filtrants » auxquels on a réservé le nom de « virus ».

 En continuant de progresser en même temps que la physiologie, la pathologie s'est orientée vers la recherche d'une explication biochimique de la cancérisation cellulaire, après être passée, comme nous l'avons vu, par diverses étapes :

  • Humorale
  • Cellulaire
  • Parasitaire

Théories pathogéniques 

 Mais ce serait une erreur de croire, après l'énumération chronologique par laquelle nous avons schématisé l'évolution de nos connaissances, que les nouvelles théories pathogéniques ont supplanté les précédentes, en les faisant disparaître.

 En réalité, chaque théorie était fondée avant tout sur l'observation, ensuite sur des constatations expérimentales. Nous pouvons dire aujourd'hui que les trois premières théories contenaient une part de vérité, qu'elles ont des défenseurs et que les controverses à leur sujet ont permis de faire progresser nos connaissances. On peut penser que la prochaine théorie, loin de reléguer les autres au musée de l'histoire de la médecine, établira la synthèse des données précises fournies par les recherches antérieures. Considérons donc, l'une après l'autre, les diverses théories.

 Théorie humorale

 C'est une notion commune que le cancer devient plus fréquent avec l'âge, chez l'homme comme chez les animaux. Rare chez l'enfant (où cependant il peut apparaître dès les premières années et aussi exceptionnellement au cours de la vie intra-utérine). Sa fréquence augmente progressivement, comme s'il était la conséquence de l'usure, en quelque sorte, des tissus ou des traces laissées par des maladies contractées au cours de l'existence.

 Le cholestérol et le cancer

 Le cholestérol, entre autres facteurs, a été accusé de favoriser le développement du cancer; cette substance appartient au groupe des substances grasses qui, au cours du vieillissement de l'organisme, se déposent dans les tissus. Rappelons que le lieu où le cholestérol se forme principalement est le foie; en effet le cholestérol se trouve abondamment dans la bile, comme certains de ses produits de transformation. Le cholestérol peut se condenser dans des calculs biliaires.

 On le trouve également sur les parois des artères, où il forme des amas localisés qui augmentent avec les années et sont à l'origine de nombreux troubles circulatoires des personnes âgées. On connaît aussi de véritables tumeurs constituées par des cellules pleines de cholestérol. En réalité, l'expérience a montré que cette substance ne pouvait être considérée comme un poison cancérigène actif en ce qui concerne les cellules. Toutefois, son rôle dans l'organisme a été longtemps inconnu.

 On sait aujourd'hui qu'il est considérable puisque, à partir d'une molécule complexe de cholestérol, un grand nombre de produits d'une haute activité physiologique, qui sont les hormones dites stéroïdes, se forment. Celles-ci comprennent essentiellement : les hormones sexuelles produites par les testicules et les ovaires. Un grand nombre de dérivés aux fonctions variables élaborés par la région périphérique de la glande surrénale (corticostéroïdes), le calciphérol (vitamine D) de la peau.

Origine du calciphérol et les cancers de la peau

 Une première approche a été faite entre l'origine du calciphérol et celle des cancers de la peau. Cette substance est un produit de dégradation du cholestérol. Elle provient de réactions chimiques dont l'énergie est fournie par les rayons ultraviolets. La plupart des cancers de la peau se développent sur les régions découvertes (visage, dos de la main, nuque).

 A ce niveau, à la suite des réactions locales progressives déterminées par les irradiations solaires répétées, des altérations tissulaires s'instaurent peu à peu et augmentent avec l'âge. Elles se manifestent d'abord par des taches pigmentées ou des incrustations grasses, à partir desquelles peut se développer un cancer. Le pouvoir chimique des ultraviolets n'aurait-il pu donner naissance à un dérivé anormal du cholestérol, qui se serait comporté comme un toxique cancérigène ?

 Ceci a été soutenu, mais n'a jamais pu être démontré.

  Par contre, l'influence cancérigène de l'hormone sexuelle féminine, la folliculine, est expérimentalement prouvée. Cette hormone exerce une action générale sur l'organisme et une action particulière sur certaines espèces de cellules dites réceptives dont elle stimule la multiplication, déterminant ainsi l'hypertrophie de l'organe qui les contient.

  C'est le cas de la glande mammaire qui, au cours de la gestation, période où le taux de folliculine est fortement accru, subit un développement considérable qui la prépare à l'allaitement. Mais si, à une femme non gravide ou à un homme, on injecte à plusieurs reprises de fortes doses de cette hormone. La réaction physiologique de l'hypertrophie mammaire sera en un premier temps réalisée et puis dépassée. La simple hypertrophie deviendra alors une tumeur, d'abord bénigne, mais qui risque ensuite de devenir maligne. On peut naturellement discuter le mécanisme pathogénique de cette dernière étape.

 La folliculine se comporte-t-elle, au-delà d'une certaine dose, comme un toxique cancérigène sur la cellule ? Ou bien subit-elle, dans les cellules réceptives où elle se concentre, une transformation chimique qui la rend plus pathogène ? Les deux hypothèses peuvent être et ont été soutenues.

 Théorie cellulaire

 Cette théorie dérive des progrès sensationnels de la cytologie. On a noté que, dans la division des cellules cancéreuses, se manifestent souvent des anomalies. La déviation cancéreuse de la cellule fut considérée comme le résultat d'une malformation congénitale à manifestation tardive, ou d'un accident fortuit.

  En fait, les généticiens peuvent sélectionner des familles d'animaux dans lesquelles certaines tumeurs apparaissent avec une fréquence particulière dans leur descendance. En outre, on parvenait à provoquer dans la cellule des modifications capables de déterminer sa cancérisation par des moyens physiques ou chimiques : parmi les moyens physiques, rappelons :

  • Les rayons ultraviolets.
  • Les rayons X.
  • Les radiations produites par les corps radioactifs.

 Parmi les moyens chimiques, toute une série de composants, des couleurs d'aniline aux hydrocarbures. Plus tard, on constate qu'avec les mêmes agents physiques ou chimiques on pouvait déterminer des mutations, c'est-à-dire l'apparition d'un caractère nouveau et durable dans la cellule, qui le transmettait à la descendance.

 Dans ces conditions, il fut facile d'établir une analogie entre les différents résultats obtenus et d'interpréter le cancer comme un phénomène survenant à la suite d'une des nombreuses mutations provoquées par les agents mutagènes.

 D'autant plus qu'à l'examen microscopique les cellules soumises à l'action des radiations ou des toxiques chimiques présentaient des anomalies de la division et des monstruosités rencontrées dans certains tissus cancéreux.

 Évidemment, ces molécules chimiques complexes que sont les hormones, en entrant dans des proportions excessives et de façon durable dans une cellule réceptive, pourraient se comporter comme ces toxiques. Si ceci était ultérieurement confirmé, la fusion des deux théories, humorale et cellulaire, se réaliserait.

 Théorie virale

 Elle est opposée aux deux théories précédentes. Pendant de nombreuses années, l'existence des virus filtrants (ou mieux ultravirus) était admise exclusivement sur la base du raisonnement. Des éléments invisibles au microscope, parce que trop petits, étaient considérés comme la cause de certaines maladies infectieuses.

 La seule manifestation probante de leur existence consistait dans le fait que l'affection pouvait être transmise à un animal sain en injectant le liquide obtenu par filtration du matériel pathologique provenant de l'animal malade. Puisque le filtre était trop fin pour qu'il puisse être traversé par des germes visibles au microscope. Il fallait conclure que la maladie était déterminée par un agent infectieux plus petit que les germes communs. Mais, avec l'injection de matériels filtrés, on réussit à transmettre non seulement les maladies infectieuses virales classiques (grippe, rougeole, varicelle, etc)., mais également des tumeurs.

  On obtint d'abord la transmission de tumeurs bénignes comme la verrue vulgaire. Ensuite, après de nombreuses tentatives, on parvint à transmettre expérimentalement par cette méthode certaines affections malignes.

 Enfin, la transmission par filtrat fut obtenue à partir d'authentiques tumeurs de mammifères qui étaient utilisées depuis longtemps pour l'étude des cellules cancéreuses. Quand le microscope électronique permit d'augmenter énormément nos possibilités d'observation, on réussit à isoler et à photographier, à partir des cellules des tumeurs précédentes, des granules dont les dimensions correspondaient à des millionièmes de millimètre et qui pouvaient être considérés comme les parasites d'infection.

 On constata ainsi l'exactitude d'une théorie longtemps contestée. Et bien que, parmi les innombrables variétés de tumeurs, celles que l'on avait réussi à transmettre par filtrat se comptent sur les doigts d'une main, il était parfaitement logique de généraliser à toutes les tumeurs une origine qui abattait la barrière qui séparait jusqu'à ce moment les tumeurs du groupe des maladies infectieuses.

 Il restait toutefois à concilier cette conception avec le fait de pouvoir déterminer par des radiations ou des substances chimiques, non seulement quelques espèces de tumeurs, mais la plus grande partie des cancers. Aucune des tumeurs ainsi provoquées ne pouvait être transmise par filtrat.

 Deux raisonnements sont venus toutefois au secours de cette théorie : selon le premier, le virus du cancer serait présent dans tous les organismes, mais sous une forme masquée, non pathogène. Diverses influences, endogènes ou exogènes, seraient capables de le rendre virulent.

 Soit que l'irradiation d'un organe diminue la résistance de ces cellules, soit qu'elle transforme un pro-virus en virus pathogène, l'irradiation n'interviendrait qu'indirectement dans la genèse de la maladie, en réveillant le parasite. Le même raisonnement s'applique aux substances chimiques. Ceci oblige à admettre que toutes les cellules des organismes vivent en symbiose avec un « inframicrobe >> qu'elles cachent en elles.

 L'autre explication s'appuie sur le fait que les divers facteurs, si dissemblables, qui ont été reconnus capables d'intervenir dans l'étiologie du cancer, ont une caractéristique commune, qui est d'agir à l'intérieur de la cellule. Comme on admet que des radiations et des substances chimiques sont capables de créer des types identiques d'altérations intracellulaires, on peut également concevoir qu’un virus parasite puisse produire les mêmes lésions.

 Théorie biochimique

 La théorie biochimique, tenant compte de tous les faits dissemblables acquis antérieurement, tente de réaliser une synthèse, en se plaçant sur le plan scientifique le plus actuel. Commençons par voir comment sont chimiquement constituées ces particules qui semblent représenter la vie sous sa forme la plus élémentaire : les virus.

 Les virus contiennent comme constituant principal l' « acide nucléique », substance assez complexe, présente dans toutes les cellules, dans lesquelles il joue un rôle essentiel. Il n'est pas possible de distinguer par l'analyse chimique, ni même par le microscope électronique, les virus de certaines particules normales de la cellule, autour desquelles se produit une sorte de cristallisation de la nouvelle matière vivante, biosynthèse indispensable à la croissance et à la multiplication.

 C'est d'acide nucléique que sont toujours formés ces corpuscules macromoléculaires appelés gènes, supports des divers caractères héréditaires typiques de l'espèce à laquelle appartient la cellule. On sait que l'altération ou la destruction d'un gène détermine un changement ou la suppression du caractère correspondant, c'est-à-dire une mutation.

 Cette ressemblance de constitution morphologique et chimique entre les granules d'infection des tumeurs virales et les particules qui assurent la croissance cellulaire, a conduit à supposer que les virus ne seraient peut-être pas des êtres vivants parasites, introduits dans l'organisme, mais simplement des organismes cellulaires, riches en acide nucléique et résultant d'une modification particulière.

 Cette conception de l'origine endogène, intracellulaire, de la cancérisation, explique des faits peu conciliables avec l'hypothèse de la nature infectieuse du cancer :

  •  Sa non-contagiosité.
  •  Sa transmission difficile (pour ne pas dire exceptionnelle), réalisable seulement entre animaux de la même espèce.
  •  L'absence de séro-réactions diagnostiques.
  •  L'échec des thérapeutiques anti-infectieuses.
  •  La production expérimentale de tumeurs dans des espèces animales diverses au moyen d'agents mutagènes.
  • L'augmentation de la fréquence du cancer avec l'âge, parallèlement à l'addition, au cours de la vie, des causes d'altérations et d'intoxications des cellules, une susceptibilité héréditaire, correspondant à une plus ou moins grande fragilité de certaines formations cellulaires en ce qui concerne ces agents d'agression.

 Rappelons que la connaissance des causes étiologiques de certaines tumeurs a déjà permis de se prémunir contre l'apparition de celles-ci. Des localisations cancéreuses particulièrement fréquentes, mais dont l'origine est encore mal précisée, pourront être également prévenues, quand le mécanisme de leur apparition sera mieux compris.

 Substances ou actions qui peuvent favoriser ou provoquer le cancer

  •  Les substances chimiques, la poussière, les gaz industriels, la fumée de tabac.
  •  Chez l'homme qui travaille en plein air (agriculteurs, paysans, marins), le cancer de la peau est parfois provoqué par les rayons solaires, surtout les ultraviolets et les infrarouges.
  • Les substances radioactives : il est nécessaire de contrôler la charge radioactive de l'air...
  • Les eaux radioactives, qui se trouvent dans la nature, peuvent provenir de la pluie radioactive.
  •  Le feu et la chaleur intense à laquelle sont exposés les ouvriers des hauts fourneaux et d'autres industries.
  •  L'influence de la chaleur excessive, comme l'absorption habituelle de repas trop chauds, d'alcools forts, provoque des altérations de l'estomac et du foie, et finalement le cancer.
  •  Les colorants et les substances qui sont employés dans l'industrie des conserves.
  •  L'influence des traumatismes répétés, d'actions mécaniques continues sur une même région du corps.



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